Truc
Lycée
Labasijysuis
 

LES RÉVOLTÉS

lundi 1er mars 2010, par admin1

JOHANN WOLFGANG GOETHE

DRAME POLITIQUE EN 5 ACTES
EN PROSE

PERSONNAGES
La comtesse LE MAGISTER, précepteur du jeune comte.
FrÉdérique, sa fille.
Charles, son jeune fils LE BAILLI
Le Baron, leur cousin JACOB, jeune paysan et chasseur
Le Conseiller MARTIN paysans
Brême DE BREMENFELD, chirurgien ALBERT
Caroline, fille de Brême PIERRE
Louise, nièce de Brême GEORGE, domestique de la comtesse

ACTE PREMIER

Vue chambre d’une dimension ordinaire, aux cloisons de laquelle sont suspendus deus portraits, celui d’un bourgeois et celui de sa femme, dans le costume qu’on portait il y a cinquante ou soixante ans. ― Il fait nuit.

SCÈNE I

LOUISE, tricotant près d’une table, où se trouve une lumière ; CAROLInE, endormie vis-à-vis, dans un large fauteuil. LOUISE, tenant en l’air un bas qu’elle vient d’achever. Voici encore un bas ! Maintenant je voudrais que mon oncle rentrât, car je n’ai pas envie d’en commencer un autre. (Elle se lève et va à la fenêtre.) Il reste aujourd’hui dehors plus tard que de coutume ; c’est ordinairement vers les onze heures qu’il rentre, et il est déjà près de minuit. (Elle revient à la table.) Je ne puis juger du bien ou du mal que la Révolution française a causé ; je sais seulement qu’elle m’a rapporté quelques paires de bas de plus cet hiver. J’aurais perdu mon temps à dormir, au lieu de l’employer à tricoter comme je fais en attendant M. Brème, qui, au lieu de dormir, le passe à causer.

CAROLINE, rêvant. Non... non... mon père !

LOUISE, s’approchant du fauteuil. Qu’y a-t-il, chère cousine ? Elle ne répond pas. Cette bonne Caroline, que peut-elle avoir ? Elle est tranquille et pourtant agitée ; elle ne dort pas la nuit, et maintenant qu’elle s’est endormie de fatigue, elle parle en rêvant. Mon soupçon serait-il fondé ? Le baron aurait-il fait sur elle, en si peu de jours, une impression si prompte et si forte ? (s’avançant.) Tu es étonnée, Louise ! et n’as-tu donc pas éprouve soi-même de quelle manière agit l’amour ? avec quelle promptitude et avec quelle force ?

SCÈNE II

Les PrÉcédents, GEORGE.

GEORGE, pressé et inquiet. Ma chère demoiselle, donnez-moi vite, vite...

LouISE. Quoi donc, George ?

GEORGE. Donnez-moi la bouteille.

LOUISE. Quelle bouteille ?

GEORGE. M. votre oncle m’a dit que vous deviez me donner la bouteille bien vite ; elle est dans la chambre en haut, sur la planche, à droite.

LOUISE. Il y en a plus d’une. Que doit-elle contenir ?

GEORGE. De l’esprit.

LOUISE. Il y a des esprits de toutes sortes... Ne s’est-il pas expliqué plus clairement ? Pour quel usage cet esprit ?

GEORGE. Il l’a bien dit ; mais j’étais si effrayé !... Ah ! le jeune mon- sieur. . .

CAROLINE, qui s‘éveille subitement. Qu’est-ce ? le baron ? LOUISE. Le jeune comte ?

GEORGE. Hélas ! oui, le jeune comte !

CAROLINE. Que lui est-il arrivé ?

GEORGE. Donnez-moi cet esprit.

LOUISE, Dis au moins ce qui est arrivé au jeune comte ; peut-être alors saurai-je quelle bouteille mon oncle demande.

GEORGE. Ah ! le pauvre cher enfant ! Que dira madame la comtesse si elle arrive demain ? Comme elle va nous gronder !

CAROLINE. Eh bien, parle donc !

GEORGE. Il a donné de la tête contre le coin d’une table ; son visage est tout en sang. Qui sait si l’œil n’a pas été atteint ?

LOUISE allume une bougie et sort de la chambre. A présent je sais ce qu’il vous faut.

CAROLINE. Si tard ! Comment cela s’est-il donc fait ?

GEORGE. Ma chère demoiselle, il y a longtemps que je prévoyais quelque malheur. Votre père et le gouverneur sont là tous les soirs, chez le vieux ministre, à lire les gazettes et les revues, et, pendant qu’ils se disputent à n’en pas finir, le pauvre enfant est obligé de rester assis. Quand il se fait tard, il se met dans un coin et s’endort ; et, quand ils parlent, l’enfant à moitié réveillé, chancelle ; et aujourd’hui... vous entendez, il sonne justement minuit... ; aujourd’hui ils ont veillé outre mesure, et moi je suis assis à la maison, et je brûle de la lumière, sans compter celles du gouverneur et du jeune monsieur ; et votre père et le magister s’arrêtent encore devant le pont du château et n’en finissent point. (Louise rentra avec un verre.) Voilà donc l’enfant qui arrive à tâtons dans la salle, et qui m’appelle ; moi, je me réveille en sursaut, et je veux allumer les chandelles, comme je fais toujours ; mais, étant assoupi, je les éteins. Pendant ce temps-là, l’enfant monte l’escalier : l’antichambre est remplie de chaises et de tables que nous comptions placer demain matin de bonne heure dans les appartements ; l’enfant ne le sait pas ; il marche droit devant lui, il se heurte, il tombe ; nous l’entendons crier ; je fais du bruit, j’allume la chandelle, et, quand nous sommes en haut, nous le trouvons parterre, presque sans connaissance, le visage tout en sang. S’il a perdu un œil, si c’est dangereux, je m’en vais demain de bonne heure, avant que madame la comtesse arrive ; réponde qui voudra.

LOUISE, qui, pendant ce temps, a pris dans le tiroir quelques paquets de linge, lui donne la bouteille. Voilà ! Vile ! emporte cela et prends ce linge ; j’y vais courir jnoi-mème. Le ciel *nous préserve d’un si grand malheur ! Vite, George, vite ! (George sort.) Prépaie de l’eau chaude pour l’instant où mon oncle rentiera et demandera son calé. Je veux aller là-bas. Il serait alfreux de faire une pareille récep- tion à notre bonne comtesse. Elle avait tant recommandé l’en- fant au niagister et à moi-même à son départ ! Hélas ! j’au- rais dû m’apercevoir que l’enfant était fort mal soigné dans ces derniers temps. Comme on’ néglige même ses prenuers devoirs 1 Elle sort.

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